Quel mystère peut pendre au cou et, en même temps, unir le quotidien à l’éternité ? Les pendentifs égyptiens le font : ce sont des amulettes qui parlent de rois, de dieux et de voyages dans l’Au-delà, des pièces qui condensent une cosmologie entière en quelques centimètres d’or, de faïence ou de pierre.
Cet article vous guide à travers l’histoire, le symbolisme et les techniques qui ont forgé ces talismans. Vous apprendrez comment ils étaient interprétés, quels matériaux et couleurs étaient utilisés, et comment les archéologues modernes déchiffrent leur fonction grâce à des technologies avancées. À la fin, vous aurez une vision complète pour reconnaître les motifs les plus importants et comprendre pourquoi ces pendentifs continuent d’inspirer le design contemporain.
La scène historique en un coup d’œil : chronologie essentielle
Avant d’approfondir les symboles et les techniques, il convient de situer l’évolution de la joaillerie égyptienne dans une ligne temporelle. La chronologie aide à comprendre pourquoi certains motifs apparaissent, disparaissent ou se transforment au fil des siècles.
Période | Événements et preuves |
---|---|
Période Prédynastique (c. 4000 av. J.-C. et avant) | |
c. 4000 av. J.-C. | Premières preuves de fabrication de bijoux ; objets à des fins apotropaïques déjà intégrés dans le mobilier funéraire. Époque Badarienne : premières pièces vitrées, par exemple collier de petites perles bleues en plusieurs fils. |
Période Dynastique Archaïque (Dynasties I-II) | |
Première Dynastie | Production variée de bijoux fins (colliers, bracelets) avec une diversité de matériaux et de techniques. 1901 : dans la tombe de Djer, quatre bracelets en or, lapis-lazuli, turquoise et améthyste ont été trouvés près du bras d’une femme momifiée. |
Ancien Empire (Dynasties III-VI) | |
Général | Utilisation d’amulettes de l’œil oudjat dans la joaillerie et les pratiques funéraires. De la VIe Dynastie, des colliers funéraires en composition vitrée et en or sont conservés, comme celui d’Impy, fini en bleu et avec 63 pendentifs en forme de scarabée, avec son nom aux extrémités en or. |
Moyen Empire (Dynasties XI-XIII) | |
Général | Le scarabée se popularise comme amulette centrale ; les travaux les plus fins sont produits en harmonie et choix des matériaux et des couleurs. Exemples : pendentif de Khnumet (or granulé et composition vitrée), ceinture de perles de Senebtisy (23 fils verticaux de perles). |
Découvertes | 1894 : trésor de la princesse Khnumit à Dahshur (collier de 6 rangs de perles d’or et de nombreuses pierres précieuses). 1914 : tombe de la princesse Sithathoriunet à El-Lahun avec diadème, bracelets et plastrons de haute qualité. |
Nouvel Empire (Dynasties XVIII-XX) | |
Général | Apogée des amulettes et démocratisation des pratiques funéraires ; forte augmentation de l’utilisation du verre en joaillerie. |
Thoutmôsis III | Bijoux de haute qualité : bracelets, colliers avec poissons et perles de verre ; perruques et diadèmes avec rosettes incrustées de verre coloré dans les tombes des épouses à Thèbes. |
Toutânkhamon (Dyn. XVIII) | Point culminant de la joaillerie du Nouvel Empire : dans sa tombe plus de 140 objets apotropaïques (environ 30 véritables amulettes). Pectoraux remarquables : vautour avec ~300 incrustations de verre, pectoral avec pleine lune et barque solaire, pectoral avec faucon ailé, shen et ankh. Masque funéraire en or incrusté de turquoise, lapis-lazuli et cornaline. |
Dynastie XIX–XX | Pièces importantes avec incrustation vitrée (par exemple, pectoral de faucon de Ramsès II au Serapeum). À partir de la XXe Dynastie apparaît l’amulette des “deux doigts”. |
Troisième Période Intermédiaire et Basse Époque (Dynasties XXI-XXXI) et Période Gréco-Romaine | |
Général | Le travail du verre continue d’être abondant ; les pièces du pharaon Psousennès se distinguent. Augmentation significative du nombre d’amulettes funéraires pendant la Basse Époque et la période ptolémaïque (certaines momies avec jusqu’à cent amulettes). |
Dynastie XXII | Les amulettes sont disposées sur des réseaux de perles de faïence qui couvraient le corps ; de nouveaux types apparaissent comme le scarabée ailé et les Fils d’Horus. Règne de Sheshonq : bracelets coniques en or avec incrustations de lapis-lazuli et de verre ; pectoral de scarabée en lapis-lazuli avec disque solaire. |
Époque Gréco-Romaine et études modernes | Des amulettes textiles et des plaques avec des représentations (œil-oudjat, Fils d’Horus) ont été trouvées. La tomographie assistée par ordinateur (TAO) a permis de “dérouler” virtuellement des momies intactes et de localiser des amulettes sans les endommager, confirmant le placement symbolique des objets (par exemple, analyse de la momie de Nespamedu avec TAO à haute résolution). |
Pourquoi les pendentifs étaient plus que des bijoux
Dans l’Égypte ancienne, la séparation entre le matériel et le divin était fragile : une amulette pouvait devenir un lien entre un mortel et une divinité. Un pendentif n’était pas seulement un ornement ; c’était un outil rituel, un sceau d’identité, une protection physique et spirituelle.
Les Égyptiens parlaient en symboles. Un anneau de lapis-lazuli ne brillait pas seulement : il parlait de royauté. Un fragment de faïence verte ne décorait pas seulement : il invoquait la régénération. Cette lecture symbolique a imprégné le choix des motifs, des matériaux et des couleurs.

Symboles essentiels et leur interprétation
Ci-dessous sont décrits les motifs qui apparaissent le plus fréquemment sur les pendentifs égyptiens et leur signification dans l’esprit de celui qui les portait.
Œil d’Horus (Oudjat)
Fonction : protection, guérison et restauration.
L’œil stylisé d’Horus, avec ses lignes précises, représentait l’œil sain récupéré après le violent combat entre Horus et Seth. Porter un œil d’Horus, c’était demander santé et sécurité. Dans les pratiques funéraires, l’œil garantissait la régénération du défunt.

Scarabée (Khepri)
Fonction : renaissance, protection contre le mal et renouvellement quotidien.
Le scarabée n’est pas un insecte dans la joaillerie égyptienne : c’est l’incarnation du cycle solaire. Associé à Khepri, le scarabée symbolise la recréation constante du monde. Dans de nombreuses tombes, le scarabée apparaît sur la poitrine de la momie comme une promesse de résurrection.

Ankh (croix égyptienne)
Fonction : vie, énergie vitale, éternité.
L’ankh est la clé de la vie. Il apparaît entre les mains des dieux et des pharaons comme un symbole de domination sur l’existence. Un pendentif en forme d’ankh équivalait à porter un contrat symbolique avec la vitalité et l’immortalité.
Pilier Djed et Nœud d’Isis
Fonction du Pilier Djed : stabilité, colonne vertébrale d’Osiris pour assurer l’intégrité du défunt.
Fonction du Nœud d’Isis (Tet) : protection maternelle et renaissance, lié aux pouvoirs de guérison d’Isis.
Les Fils d’Horus et les divinités protectrices
Les quatre Fils d’Horus, représentés avec des têtes distinctes, gardaient les organes internes et étaient cousus dans les bandelettes. Les amulettes avec Bastet, Bès, Taouret ou Hathor remplissaient des fonctions spécifiques : défense du foyer, protection pendant l’accouchement ou bénédiction de la fertilité.
Matériaux, couleurs et leur langage
La sélection du métal, de la pierre et de la couleur n’était pas une simple esthétique : chaque élément ajoutait une couche symbolique au pendentif. Vous trouverez ci-dessous un tableau comparatif pour mieux comprendre ces choix.
Matériau | Signification symbolique | Propriétés physiques et utilisation | Exemples |
---|---|---|---|
Or | Divinité, incorruptibilité, soleil | Malléable, durable, symbole de statut ; utilisé dans les pièces royales et les offrandes | Masque funéraire, pectoraux, incrustations |
Faïence | Vie, fertilité, renaissance (vert/bleu) | Légère, économique ; facile à mouler et à émailler ; courante dans les amulettes | Scarabées, perles de collier, petites plaques |
Lapis-lazuli | Royauté, ciel, éternité | Dure, ton bleu intense ; importée, valeur élevée | Incrustations dans les pectoraux, perles |
Turquoise | Joie, pureté, protection | Pierre semi-précieuse de tonalité bleu-vert ; utilisée en incrustations | Pectoraux et colliers |
Cornaline / Jaspe rouge | Énergie vitale, sang, force | Couleur rouge vif ; associée à l’action et à la vie | Sceaux, perles et pendentifs |
Verre | Imitation de gemmes, accessibilité | Permet des palettes de couleurs variées ; bon marché par rapport aux pierres naturelles | Incrustations et pièces d’imitation |
Techniques de maîtrise en orfèvrerie et production
Les artisans égyptiens ont atteint des niveaux extraordinaires en orfèvrerie. Parmi les techniques remarquables figurent la fonte à la cire perdue pour les pièces d’or, l’incrustation de fragments de verre et de pierre, et la production en série d’amulettes en faïence à l’aide de moules.
Pour créer des perles et des amulettes en faïence, on utilisait souvent une corde comme noyau qui, en cuisant, brûlait en laissant un trou pour l’enfilage. Les incrustations exigeaient de la patience : de petits fragments polis s’emboîtaient comme une mosaïque dans un support métallique.
Pendentifs égyptiens aujourd’hui : répliques, réinterprétations et héritage
La mode contemporaine a emprunté à l’Égypte ancienne des motifs et des palettes chromatiques, transformant des symboles sacrés en pièces qui relient esthétique et spiritualité. Les répliques cherchent à recréer non seulement la forme, mais aussi la sensation de porter un objet chargé d’histoire.
En comparant une réplique à une pièce archéologique, on apprécie la différence de patine, d’usure et d’exécution des incrustations. Malgré tout, les répliques permettent aux collectionneurs et aux amateurs de revivre un fragment de cette narration millénaire.
Découvertes funéraires et la science qui les révèle
L’utilisation d’amulettes sur les momies était systématique et symboliquement réglée. Le Livre des Morts et d’autres textes funéraires dictaient le placement et la fonctionnalité de certains objets, ce qui démontre une intention rituelle précise.
Aujourd’hui, la tomographie assistée par ordinateur (TAO) permet de “dérouler” les momies sans les endommager, révélant l’emplacement exact des amulettes. Ces études confirment que le placement n’était pas fortuit : chaque amulette remplissait une fonction protectrice ou restauratrice dans le plan élaboré pour la résurrection du défunt.
Exemples archéologiques qui parlent
- La tombe de Toutânkhamon : un ensemble de pectoraux, d’amulettes et un masque qui illustrent l’apogée de la joaillerie royale.
- Découvertes de la XIIe Dynastie : diadèmes et plastrons qui montrent la précision technique de l’or et des pierres.
- Momies avec des réseaux de perles de faïence : couvertures qui incorporaient des dizaines d’amulettes en disposition intentionnelle.

Iconographie et canon : comment les figures étaient représentées
L’iconographie égyptienne obéissait à des canons : profil pour la tête et les membres, face pour les épaules et les yeux. Cette convention se reflète également dans les pendentifs, où la stylisation apporte une lisibilité symbolique.
Les scènes pouvaient raconter la vie quotidienne ou le voyage vers l’Au-delà, et dans l’espace réduit d’un pendentif, chaque ligne et chaque couleur racontait une histoire. Comprendre ce langage visuel est la clé pour interpréter sa fonction originale.

Comment lire un pendentif : clés pratiques
Si vous observez un pendentif égyptien, suivez ces étapes pour le déchiffrer :
- Identifiez le motif central (Œil, Ankh, Scarabée, Djed). Ce symbole est le premier indice de sa fonction.
- Observez les matériaux et les couleurs : le vert/bleu suggère la régénération ; le doré, la divinité ; le rouge, la force ou la protection contre les forces dangereuses.
- Localisez les inscriptions ou les noms : de nombreux scarabées et amulettes funéraires portent des noms qui garantissent une protection personnelle.
- Évaluez la technique : les incrustations fines et la fonte à la cire perdue indiquent des pièces de haute qualité et une utilisation royale possible.
Tableau comparatif : usages et contextes
Usage | Contexte | Exemples de motifs |
---|---|---|
Protection quotidienne | Personnes vivantes, enfants, animaux sacrés | Œil d’Horus, Bastet, Bès |
Rituel et statut | Pharaons, prêtres, cérémonies | Collier ousekh, pectoraux, ankh |
Funéraire | Momies, offrandes, réseaux de perles | Scarabée, Fils d’Horus, Pilier Djed |
Conservation et le passage du temps
Les conditions sèches du désert égyptien ont préservé de nombreuses pièces jusqu’à aujourd’hui. Cependant, l’interprétation moderne exige de la prudence : la patine, les restes d’adhésifs et les incrustations fracturées font partie de l’histoire matérielle que les spécialistes doivent lire.
L’archéométrie actuelle (TAO, spectrométrie, études pétrographiques) permet de déterminer la provenance des matériaux et des techniques, enrichissant la narration sur chaque pièce.

Le lien entre histoire, symbole et design contemporain
Les motifs égyptiens ont survécu grâce à leur puissant langage visuel. Les designers modernes réinterprètent ces symboles, en conservant leur charge conceptuelle et en les adaptant à de nouveaux matériaux et formats.
Cette continuité démontre que, au-delà de leur beauté, les pendentifs égyptiens contiennent des archétypes qui continuent de résonner : protection, renaissance et la quête de sens face à l’inconnu.
Pour celui qui les contemple aujourd’hui, un pendentif égyptien est une invitation à imaginer : au fil du vent du Nil, un artisan insère un fragment de verre bleu dans l’or, et par ce geste, offre un pont entre la terre et les dieux.
En portant ou en contemplant l’un de ces pendentifs, vous sauvez une partie de cette narration millénaire et devenez, l’espace d’un instant, le gardien d’une tradition qui défie le temps.
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